Histoire de la voile Légère
Publié : 04 nov. 2011, 17:45
Voici un article à paraître dans la revue des laséristes, écrit ar un hurluberlu dont on s'étonne qu'on lui laisse écrir de telles conneries..
Ca cause du 420, de sa grandeur et de sa relative décadence actuelle
420 : Un basque qui plastique la marine en bois
Retour de ce côté ci du Channel, en profitant d’une place d’équipier sur un petit dériveur britiche
(dans les années 50 et 60 les anglais organisaient une régate Douvres calais Douvres en dériveur, u n truc qu’on n’oserait plus faire de nos jours et que les gradés des Aff mar refuseraient mordicus d’avaliser.)
Pendant que les glénemuches connaissaient leurs années fastes , Socoa prospérait après avoir mangé un peu de pain noir au moment de la Libération (récupération d'une partie de sa flottille au profit d'autres clubs, une épuration guère méchante pour des péchés plutôt véniels...mais dans le contexte de la Libération, certains comptes plus personnels se réglaient parfois sous les étendards claquant au vent de l'Histoire).
Géré en compte à demi par la Marine Nationale et le ministère des Sports, avant de passer sous la bannière de l' UCPA, ce qui finira par être sa perte (voir le titre de l'article de Voiles et Voiliers
« UCPA , Socoa n'est plus son fort ») l'ex école Rocq Borotra, un brin vexée d'avoir perdu la prééminence et bluffée par le succès du Vaurien, gambergeait.
Socoa, donc, en cette année de grâce 1958 gambergeait mais pas de façon nostalgique, en tournant ses yeux vers le passé et en remâchant sa très relative défaite.
Les deux têtes pensantes du Socoa de l'après guerre, les deux chefs moniteurs (on ne disait pas encore Chef de Base, et puis Chef de Base c'est -encore- une invention des Glénemuches qui créèrent une école spéciale, l'ECB, aujourd'hui INBG, pour former des professionnels de la voile quand l'affaire prit de l'ampleur et que les bénévoles n'y suffirent plus), la direction bicéphale de Socoa, donc, composée d'une tête de Basque (Pierre Latxague) et d'une tête de Breton (Aristide Lehoerff) se mit à gamberger sur le futur de l'enseignement de la voile, tâchant de définir le bateau idéal....à la lumière des nouvelles possibilités offertes par les matières plastiques.
Il leur vint l'idée de simplifier un bateau de haut niveau qui commençait à être produit en plastique par un atelier de tonnellerie bordelais en pleine reconversion, un caneton hors norme qui commençait à faire beaucoup causer dans le Landerneau de la voile hexagonale depuis trois ou quatre ans.
Nous avons parlé de place en place du Caneton, pas vraiment un popuboat, sauf dans la période de l'occupation, où il fut construit en amateur dans les chantiers navals de jeunesse Rocq Borotra...
Le Caneton, animal à voiles né à Duclair, sur la basse Seine et qui fit la joie des voileux de la classe moyenne de l'immédiat avant – guerre, et en particulier de la famille Harlé, canetonistes de la première heure dont c'était le pays d'origine, a connu pas mal de réincarnations, à croire que ce volatile palmipède et vélique avait un brin de bouddhisme en lui.
(Philippe Harlé sera un des premiers monos des Glénans d'après guerre, avant de se fâcher avec l'institution faute de reconnaissance et de droits d'auteur pour son énorme boulot de rédaction du Cours des Glénans première mouture....et s'en ira à La Rochelle fabriquer des bateaux nettement meilleurs que ceux d'Herbulot, une vraie perte pour les Glen' qui s'encroutèrent un peu dans le train train après la perte de cet excellent élément)
Après l'épisode du monotype Brix, avant guerre, et celle du Caneton restrictions, et avant la décadence du caneton Cornu Matonnat, puis du chant du...cygne que fut le Caneton Strale, il y a eu un trait de génie: le Caneton 505.
Conscients qu' ils allaient droit dans le mur avec la sophistication croissante des canetons restrictions à bouchains, l'assoce de propriétaires choisit de revenir au monotype en prenant un plan radicalement moderne.
L'IYRU avait lancé dès 1956 un concours de plans international pour définir le dériveur en double des JO de 1960 (à Rome): Il fallait en finir avec l'ancien dériveur en double , le Sharpie 12M2 totalement obsolète qui se remplissait d'eau comme un seau et avait transformé les régates olympiques de Melbourne en match par élimination.
Les essais eurent lieu en Hollande à Loosdrecht, puis en France , à La Baule:
Les anglais y amenèrent un dériveur en contreplaqué imposant mais très rapide à trois bouchains vifs et trapèze, l'Osprey du au crayon de Ian Proctor (le trapèze , réinventé par Peter Scott avant guerre avait été interdit par la traditionaliste fédé anglaise, trop acrobatique, trop athlétique, pas assez gentleman à casquette blanche), et un autre dériveur , en formes arrondies et en bois moulé, le Coronet, né du crayon de John Westell et ainsi nommé en l'honneur du couronnement de la reine Babeth II.
Les Français avaient amené différentes moutures du Caneton restriction, qui ne brillèrent guère (trop court, trop lourd, en un mot irrémédiablement dépassé.)
Les Bataves Gus Van Essen et Conrad Gulcher avaient amené un monstre sans nom, long de 6 M 05, équipé d'un énorme génois et d'un trapèze.
Le monstre sans nom écrasa la concurrence et fut choisi comme dériveur double olympique sur lequel s' illustrèrent pas mal de gens connus dont les Pajot et , sur la fin, les ex - Laséristes Thierry et Vincent Berger
Peter Scott, neveu de l'explorateur polaire Robert Scott, devenu dirigeant de l'IYRU , barreur du piteux défi anglais Sceptre pour l'America Cup , qui ne marchait correctement qu'avec les gigantesques spis français à chevrons coupés par Herbulot dans la salle des fêtes du XV° arrondissement de Paris, Scott donc, ex as du 14' international, proposa de baptiser Flying Dutchman le nouveau monstre olympique, un nom qui contenait plein de références :
Premièrement Flying Dutrchman -Hollandais Volant- c'est l'enfer flottant des mauvais marins , un légendaire vaisseau fantôme qui a inspiré un opéra à Wagner et quelques films aux scénaristes d' Hollywood, de Pandora (avec la sublime Ava Gardner) à Pirates des Caraïbes.
Deuxièmement c'était un hommage à Uffa Fox , génial créateur des premiers voiliers réellement capables de planer -dénommés Flying truc ou Flying machin, vieux complice de Peter Scott et accessoirement moniteur de voile de luxe qui initia Monsieur Babeth II (le Duc d' Edimbourg) aux joies de la voile.
Troisièmement c'était un hommage aux créateurs hollandais du monstre planant, un bestiau survoilé et pas facile à dompter par grand vent.
Mais le FD n'avait pas eu la tâche si facile: l'Osprey, une sorte de méga Ponant, l'avait parfois inquiété, et surtout, s' il avait dominé sur les bords de près , il s'était fait rattraper à tous les coups sur les largues par le Coronet, que le canetonistes dépités commençaient à regarder avec les yeux de Chimène.
Le Coronet c'était deux bateaux en un : à la flottaison un skiff assez étroit aux formes avant bien en vé et à l'arrière plat, prometteur de planning, mais au niveau des listons ,il prenait un tour de buste voluptueux, épanoui, voire fellinien, des formes qu'on dit tulipées et qui permettaient, comme les ailes de rappel des 18 pieds de Sydney, de rejeter encore plus à l ' extérieur les pieds du trapéziste.
Cette astuce permettait d'augmenter le couple de rappel et de tenir un spi de plus de vingt mètres carrés, une folie qui faisait du Coronet un véritable avion de chasse sur les bords de largue
Admirablement construit en bois moulé (trois plis croisés du plus bel acajou possible, l'Agba, assemblés à la colle aviation et durci à 'autoclave) le Coronet , comme pas mal de bateaux anglais d'après guerre utilisait une technique venue de l'aéronautique, qui avait permis de réaliser le très rapide chasseur bombardier à hélices « Mosquito » et aussi le fuselage des très loupés « Vampire » et « Sea Venom », saucisses cocktail volantes à réaction et à double queue, un temps produits sous licence en France pour le porte avions Arromanches ex HMS Colossus .
Les canetonistes dépités allèrent trouver John Westell, qui ne l'était pas moins, et lui proposèrent de raccourcir son avion nautique aux dimensions maxi de la jauge Caneton, à savoir cinq mètres, plus cinq centimètres de tolérance....c'était la naissance du caneton 505 , qui arbora dans un premiers temps trois emblèmes dans sa voile, la couronne , le petit canard de Duclair et le chiffre 505 .
En France, en 1952 , le tout premier cinquo fut construit, en bois moulé, dans l'appartement parisien du photographe parisien Daniel Mazo, Boulevard Saint Martin, le techno de service étant le futur architecte naval Michel Bigoin, alors employé chez Dornier (aviation) , qui dut jouer de la pioche pour agrandir la porte et sortir la coque terminée.
En Angleterre la construction de série se fit en bois moulé chez Fairey Marine , filiale de la société aéronautique Fairey, qui s'était reconvertie en partie dans les voiliers.
Le Pdg de Fairey Marine , Mr Chichester Smith se réserva le premier exemplaire nommé conte de fées (Fairy tale en anglais, admirez le puissant jeu de mots) et le toujours jeune Jacques Lebrun acheta un des touts premiers exemplaires et remporta les premières éditions du Championnat de France Senior disputé sur ce tout nouveau « support »
Mais il ne fallut attendre que quelques années pour qu’un un hurluberlu féru de voile et de modernisme, Christian Maury , doué de talents multiples, fasse des approches à un industriel bordelais, Lucien Lanaverre, qui cherchait à assurer l'avenir de l'entreprise familiale de tonnellerie traditionnelle, qu'il jugeait condamnée à terme par le progrès de la technique.
(c'était avant l'envolée démentielle des cours des vins de Bordeaux et le scandale des frères Cruse)
Maury proposa à Lucien Lanaverre d'expérimenter un matériau révolutionnaire, utilisé durant la guerre pour certaines applications militaires ,la matière plastique composée d'une armature de tissus de verre et d'un nappage de résine polyester thermo durcissable....un truc puant , une horreur à mettre en oeuvre (surtout avec les résines de l'époque) mais un fini incomparable une solidité à toute épreuve, une imputrescibilité quasi totale...et une construction pas trop coûteuse avec de la main d'oeuvre non spécialisée et des matériaux pas trop chers non plus.
Le matériau semblait promettre monts et merveilles pour le voileux: en particulier la corvée d'entretien semblait devoir être réduite au minimum (pas de décapages , pas de peinture...et pas de pourriture à craindre, donc un bateau quasiment éternel, ce qui excuserait éventuellement un certain surcoût)....
Même si ce n'est pas tout à fait vrai (en grande partie à cause des pièces structurelles en bois qui existèrent longtemps dans le premiers bateaux « en plastique ») le matériau tenait ses promesses:
La tribu Rocca (Domenico , immigré venu d' Italie entre deux guerres, pour bosser aux usines Chauvière, spécialiste des hélices d'avion en bois, avant de se lancer dans le canoé canadien et ses fils Louis, technicien calme, également spécialiste des remorques, et Oreste , téméraire pilote motonautique à la fine moustache et à l’œil pétillant de Latin Lover ) fut la première à dégainer, d'abord avec une prame de servitude rondouillarde et absolument indestructible à l'usage des pêcheurs à la ligne puis avec divers canots à moteur dits à l'époque canots automobiles.
Lanaverre , déjà cité, suivit dans la foulée puis toute une horde d'imitateurs dans une industrie nautique en rapide reconversion.
Il se lança dans le bateau à voile, d'abord avec le tout nouveau caneton 505 puis le Finn olympique, à la fois parce que ces deux bateaux promettaient de dégager de belles marges (pas comme le Vaurien) et aussi parce que leurs formes se prêtaient à la construction polyester (même si initialement ils avaient été prévus pour d’autres procédés de construction.
Le Finn des débuts était construit comme les canoës canadiens : bordés classiques en acajou, assez épais sur membrures en pin ou en frêne ployé à la vapeur, le tout mis en forme sur un mannequin et riveté avec des rivets cuivre (j’ai vu passer le N° 8 au Club des Mazières, dans les années 70 il avait fait les jeux d’ Helsinki et un courageux l’avait décapé pour le restaurer, il restait encore dessus quelques énormes taquets coinceurs en bronze , les Curry Klemme originaux…..Dieu sait ce qu’il est devenu..)
Le Coronet et le cinquo étaient eux dessinés pour le bois moulé (trois plis successifs d’acajou tranché Agba) agrafés sur mannequin mâle, et collés puis autoclavés (si on avait une autoclave assez grande, ce qui était le cas de Fairey Marine, mais pas des artisans français comme Barat ou Silvestro).
Ces formes courbes (souvent avec deux sens de courbure, comme une portion de sphère) étaient une bénédiction pour le plastique monolithique, qui , surtout en petites épaisseurs, se gondole volontiers.
Le contreplaqué, lui, aime les formes plates , ou alors galbées suivant un seul sens (comme une portion de cylindre) et même si certains chantiers comme Gouteron arrivaient à tortiller sauvagement le CP (pour les Simoun et les Simoun junior en bois qui ont précédé les 445 et les 485 en plastique à double fond ) le résultat était souvent très cylindrique, donc assez instable.
Le plastique monolithique de l’époque prenait le contrepied exact du contreplaqué marine : parfait pour mouler des formes tarabiscotées avec double galbe, (comme une portion de sphère) et donnant ainsi une liberté encore inconnue aux designers, il était nul pour les formes plates, comme les ponts des habitables : le Golif de Jouët à Sartrouville un petit croiseur de 6M50, lointain ancêtre des mini transat, s’en tirait moyennant des épaisseurs de plastique invraisemblable sur les ponts
(pas bon pour l’équilibre) et des formes de rouf bizarroïdes mais rigidifiantes, comme les nervures de capot sur une 2 CV Citroën
Par mesure de précaution ,vu qu'on était en terrain quasi inconnu, de gros morceaux du bateau étaient encore réalisés en contreplaqué ou en bois massif et ce sont ces bouts de bois qui posent problème lorsqu'on cherche à rénover ces bateaux quarante ou cinquante ans après...une activité de bricolage qui prend de l'ampleur ces temps ci ...vu le prix dément des dériveurs neufs .
Latxague et Lehoerff, dont l'école de Socoa n'était pas si loin de Bordeaux eurent vent du cinquo miracle en plastique et élucubrèrent un cahier des charges très détaillé de ce qu'ils considéraient comme le dériveur école idéal:
L'idée de la double position du mât , vue sur le Mousse était en bonne place ( elle permettait de fonctionner avec un nombre impair de stagiaires en gardant une flotte homogène) les caissons latéraux généreux supprimant la corvée d' écopage, le tulipage de la coque améliorant le rappel (le trapèze n'était pas envisagé)...Ils s'en allèrent trouver Lanaverre et Maury, qui se fit architecte naval pour tenter de faire tenir le cinquocinq dans seulement quatre mètres et vingt centimètres.
Pour éviter les enfournements et garder du volume sur cette coque raccourcie au maxi, Maury créa une étrave droite et renflée (qui n' aimait pas les collisions et se défonçait parfois au choc) et fit des merveilles de moulage polyester, notamment au niveau du puits de dérive qui incorporait un astucieux logement à sa base pour éviter de ruiner les lèvres de puits de dérive en trainant le bateau sur le sable.
Il y avait très peu de bois sur ce nouveau bateau: le barrot du tableau arrière, les listons et les contre listons à l' intérieur des caissons, la quille intérieure en avant et en arrière du mât et une petite varangue transversale pour soutenir les efforts de compression entre les deux emplantures de mât, ainsi que deux bancs transversaux au niveau du puits de dérive et en avant du pied de mât.
Le mât lui même était aussi en bois , du beau pin des Landes couleur miel, carré comme un poteau depuis l'emplanture jusqu'au vit-de mulet , et rond ensuite, avec un diamètre décroissant de la base au sommet.
Nettement plus sophistiqué que celui du Vaurien , puisque creux et incorporant dès le départ des réas pour le hâle bas et les drisses , il bénéficiait d'un vit de mulet monté sur rail et de drisses intérieures....l'influence de la compétition et du cinquo était indéniable.
C'est que une fois les premiers protos sortis des moules, Latxague, Lehoerff et Maury se rendirent compte que le bateau était prometteur mais pas exempt de défauts.
Ils eurent la sagesse de prendre le temps de la mise au point (pas comme l’Open Bic qui a été lancé tel que , avec tous ses défauts, et aucun retour des critiques reçues sur les stands du salon), et après avoir essuyé un échec en tentant de calmer le trop fougueux bateau avec une bonne plaque de plomb dans la dérive (un lointain souvenir de l'argonaute, dont il restait quelques exemplaires à Socoa), ils eurent la sagesse de confier la fiabilisation finale à un metteur au point très régatier et très pinailleur, le canetoniste Francis Mouvet.
Francis Mouvet fit de l’excellent boulot, je suppose que les astuces du mât, et les excellents taquets à tourner avec un côté en sifflet en bois au tout début, puis en plastique blanc (on les utilise encore quarante ans après sur les mâts de Hobie cats), le circuit de bout’s de dérive simple et efficace (avec blocage dans une encoche en vé dans le banc en bois pour économiser les taquets clams, d’ailleurs pas encore inventés) sont de son invention.
Il s’intéressa aussi au plan de voilure, mais à ce niveau il eut la main un peu lourde sur la diminution de la surface vélique…à sa décharge , il faut dire qu’il était gaulé comme un casse croûte SNCF et que sa fidèle équipière et épouse était au format Polly Pocket..résultat , le 420 est sous toilé dans le petit temps et ne se met à marcher (magnifiquement d’ailleurs) qu’une fois qu’Eole a escaladé pour de bon le quatrième barreau de l’échelle de l’amiral William Francis Beaufort.
Incidemment ce fut lui qui dessina le logo et cristallisa l’habitude hexagonale de dénommer les dériveurs par leur longueur en centimètres..et qui prit en main la promotion de la classe 420, l’UNIQUA, en jouant les prosélytes ambulants pour faire essayer le bateau dans tous les clubs intéressés…et l’essayer c’était l’adopter, la production démarra en flèche on était à moins de 100 en 1960, un an après le lancement de la version définitive …et à plus de 7000 dès l’année 1966, malgré la suppression de la détaxe mer (que Lanaverre contourna d’ailleurs atucieusement pour deux ans de plus en stockant des tonnes de fibre de verre et de résine et en déclarant qu’il s’agissait de bateaux déjà en chantier).
La fédé se montra intelligente, pour une fois et lui attribua le championnat de France junior (Chose qu’elle avait refusée au Vaurien, venu d’un monde nettement trop prolo et trop dissident – Pouah ! fi donc ! les Glénans, ce kolkhoze de la voile !- pour Monsieur Néret – Minet, le très collet-monté Président de la FFYV de ce début des années 60, celui là même qui vira le célèbre Yves Louis Pinaud de son poste d’entraîneur national pour un motif à pleurer de rire .)…
Disputés à Carnac, puis à Cannes, ces championnats consacrèrent quelques noms connus, plutôt style jeunesse dorée, mais qui devaient faire un beau parcours dans la voile : Haegli, Manière et le futur chroniqueur sportif Gilles Pernet.
A cette époque la voile légère avait d’ailleurs ses grandes et ses petites entrées dans les médias , grâce au journaliste de l’Equipe Patrick Chapuis, qui avait de qui tenir, puisque petit fils de Georges Paul Thierry, le pape de la voile sur le bassin de Meulan depuis l’entre deux guerres et rédacteur d’une série de brochures pratiques au ton très chef scout intitulées : Garçon , construis toi-même ton caneton, ou ton Sharpie9M2 , ou ton Mousse…etc .
A l’heure actuelle notre sport n’est plus guère médiatisé, la presse va là où les sponsors payent les meilleurs cocktails et les plus girondes attachées de presse…c’est à dire que quand on parle de voile aux infos c’est souvent pour citer un trimaran bariolé comme un paquet de clopes qui vient de se désintégrer dans une quelconque transat…et le cher téléspectateur de rester téléspectateur au lieu de venir faire des ronds dans l’ eau .
Au cas où on douterait de la perte de statut médiatique de la voile légère, il suffit d’aller regarder sur You Tube le Générique du film de Louis de Funès , Le Petit Baigneur…où une régate de dériveur à les honneurs des actus cinématographiques (aujourd’hui disparues avec les esquimaux et les chocolats de l’entracte)
Pendant ses dix premières années , de 959 à 1969 , le 420 fut un monotype quasiment aussi rigoureux que le Laser : Lanaverre était constructeur exclusif, l’accastillage était identique (et sévèremnt encadré), toutes les voiles venaient de chez Elvström (comme celles des 10 000 premiers Lasers d’ailleurs) et étaient parfaitement identiques….
Même le passage au mât métallique ne changea pas grand-chose, car le profil universellement adopté était l’increvable Proctor « D » suffisamment raide pour convenir à un cinquo et donc aussi rigide que le solide mât initial en bois d’arbre des forêts landaises.
Les choses commencèrent à déraper ensuite avec la course à l’armement et l’internationalisation de la série…et le 420 se trouva assez vite victime de son succès.
C’est que cette fois çà y était, pour la première fois un bateau Made in France , avec béret Basque calendos, baguette de pain, et Kil de rouge, s’exportait dans le monde entier , avec la massification des loisirs devenue réalité et en plein dans les trente glorieuses, la période d’expansion du pouvoir d’achat et de la société de Consommation , finement analysée par divers intellectuels comme Roland Barthes ou Georges Perec.
Seulement voilà, exporter voulait souvent dire délivrer des licences de construction, pour pas mal de raisons (entre autres douanières):
Il fallut donc désigner des chantiers étrangers (souvent selon le principe du un par nation) : Poliglas en Espagne (qui fit des 420 très semblables aux Lanaverre, mais en plus costaud encore, voir lourdingue), puis Roga et enfin Lenam , Snapir Superboats en…Israël qui fit des bateaux soignés et parfaitement séchés dans le moule…que certains régatiers futés réimportèrent en France, Honor Marine en Grande Bretagne fit des 420 assez bâclés, avant de passer le flambeau et la licence à Rondar , qui , habitué aux exigences des cinquocistes, fit des bateaux très rigides et assez chers, Nautivela en Italie fit des 420 de belle apparence mais de rigidité inégale
(Une partie du poids était rognée dans les caissons pour être remise dans la coque qu’il fallait rigidifier, car, avec la pression constante de la régate, les 420 istes souquaient de plus en plus sauvagement les câbles de drisse de foc et déformaient le bateau…résultat , l’arrière des caissons , où les régatiers ne s’assoient quasiment jamais – mais les débutants si… !- était mince et fragile et craquait dès que le bateau passait en usage école.)
Et puis ce fut la consécration : Le 420 traversa la mare aux harengs, d’abord en exportation du Made in France , (et à bord du Paquebot France, s’il vous plait, en compagnie de Mr Lucien Lanaverre, qui , bien que fort peu voileux contrairement à son fils, se sentait une âme de conquérant) et ensuite sous licence .
Il fut construit (de façon fort soigneuse) par le chantier Vanguard Boats, une dépendance de la société créée par Olaf et Peter Harken, les accastilleurs bien connus qui ne lésinent pas sur la qualité.
Le 420 connut un énorme succès aux USA , notamment pour ce que les Ricains appellent Intercollegiate sailing, c’est à dire les matches inter facs , inter lycées, qui font partie du décor et du folklore estudiantin , avec team de cheerleaders (supportrices agitant le fanion de la fac) et ce dans tous les sports pratiqués en milieu universitaire.
Pragmatiques, les ricains créerent d’ailleurs trois versions du 420 , une pour la régate pure et dure, une simplifiée pour les régates inter - lycées et une version club, très renforcée et simplifiée, sans trapèze , ni spi, ni mât rétreint.
Aux USA le 420 fait bien partie du paysage….à tel point que j’ai reçu il a quelques années dans mon centre de voile une très dynamique monitrice US, venue encadrer bénévolement pendant ses vacances universtaires, et qui est tombée des nues quand je lui ai dit que le 420 était une invention française..pour elle, ce bateau faisait tellement partie du paysage US qu’il ne pouvait être autre chose qu’américain.
Chez les anglais ,il eut aussi son petit succès, surtout en raison de la décision de l’IYRU d’en faire un bateau support pour les Championnat du Monde Juniors …
Les anglais ont pourtant plein de séries excellentes dans la taille 14 pieds (Entreprise, Merlin Rocket, GP 14, Wanderer, International 14..et au moins trois douzaines d’autres ) mais ce sont souvent des bateaux d’un dessin plus ancien nés avec le contreplaqué et passés sans trop de problèmes au plastique grâce à leur coque à double bouchain, comme celle du Ponant de chez nous….excellents bateaux certes , souvent plus rapides que ce que leur apparence laisserait supposer mais très vieillots côté look (à part les dernières moutures du très sophistiqué International 14, qui est une série à restrictions).
En 1959, année de sa création, le 420 était un coup de maître qui avait facilement dix ans d’avance :
Quand , jeune lycéen en quête de perfectionnement dans la langue de Shakespeare, j’ai passé quelques bouts de vacances d’été chez les Rosbifs, au milieu des années 70, j’avais été frappé par le nombre de pratiquants et de clubs (y compris sur des plans d’eau ridiculement étroits, comme ce canal charbonnier au gabarit anglais où les régates se couraient par poules de quatre bateaux, faute de place pour se doubler....les membres de ce club se prétendaient les meilleurs spécialistes du virement bascule pour toutes les îles britanniques)…mais ce qui m’avait frappé aussi c’était le côté désuet de leurs bateaux que je trouvais plus démodés encore que le Vaurien (mais superbement entretenus, voilés et accastillés) .
Au milieu de tous ces engins au look vieillot , les 420 faisaient figure d’OVNI, un peu comme des Citroën Picasso au milieu d’un parking rempli de Traction Avant et de Peugeot 203…En 1972 le seul autre bateau moderne des parkings anglais était apparemment un petit solitaire tout plastique, genre bateau de plagiste, mais avec une carène magnifique, style FD, et des appendices parfaitement profilés en aile d’avion suivant le meilleurs critères NACA, totalement inconnu en France, et qui venait de débarquer en Angleterre depuis le Canada et dont tout le monde disait qu’il allait faire un tabac vu son imbattable rapport qualité – prix….celui là aussi avait dix ans d’avance et comme le 420 il allait être beaucoup imité, mais jamais égalé.
L’ennui c’est que le quat’vingt commençait à être victime de la course à l‘armement :
Spi et trapèze avaient été autorisés, bonne chose certes, mais cela donnait un avantage énorme aux équipages cadets et juniors et la série se juvénilisa à la vitesse grand Vé , avec le problème, déjà vu en Optimist, des parents gateaux essayant de faire gagner leur rejeton moyennant acquisition d’un super bateau avec des super voiles (Le Laser est la première série ou presque, avec le Hobie cat à avoir monotypisé la voile et interdit toute coûteuse recherche dans ce domaine).
Le 420, réservoir naturel de barreurs de 470 (qui n‘allait pas tarder à devenir olympique) et support des championnats du Monde Junior IYRU devint une série férocement concurrentielle : on chercha tous azimuts, on détourna les règles en mettant des palans partout, la barre d’écoute fut adoptée, avant d’être remplacée par le hâlebas à cascade de poulies puis l’étambrai à cales fit son apparition , puis les barres de flèche règlables et les appendices profilés, sans parlé des tissus spéciaux genre Yarn tempered pour la GV et Dynac pour le spi.
Les coques furent « améliorées » de partout (en récupérant de la matière dans l’arrière des caissons comme expliqué plus haut) et même si certaines améliorations étaient utiles (comme la jonction coque caisson en lèvre repliée, qui remplaça le liston en bois) les 420 compétition devinrent quasi impossibles à recycler en bateaux d’école de voile, un comble pour un popuboat dessiné précisément pour cet usage ;
Très vite la situation du chantier Lanaverre se dégrada : Au lieu de se concentrer sur son produit phare, l’industriel bordelais se lança dans la multiplication tous azimuts des modèles de dériveurs :
Le musard, le 390, le Kid, le 490, le Jet, le Moth Europe, l’optimist, le FD, le finn , le 505 et finalement le X4….et quelques autres nettement oubliés, tout cela avec la volonté de contrer la concurrence d’autres chantiers franco français au premier rang desquels Morin dont le grand succès était le 470 mais qui produisit aussi le 4M, le minisolitair, le 430, le Mousse, ainsi que le Corsaire bois.
Il y avait d’autres concurrents comme La Prairie qui produisait à tour de bras des jolis bateaux pas cher, mais pas très rigides (construction en fibre projetée) le zef, le Surf, l’Apache, le Caneton Strale sur plan italien, Dupuy Chautard avec le Fennec , le Fox et l’étrange Duo sur plan du créateur de l’Europe, Aloïs Rolland, sans oublier Gouteron, passé au plastique avec le 445, le 485, le Mowgli….et puis les mini tiki, tiki et supertiki, et puis le capricorne de Matra, et puis le Nordet de je ne sais qui et le Piaf de Spair marine…et le Flibustier de Bihoré Marine…..et d’autres totalement oubliés dont un exemplaire plus ou moins moisi refait parfois surface sur E bay, tel un voyageur spatio temporel tombé dans un trou noir
Toutes ces séries se cannibalisaient les unes les autres et désorientaient l’acheteur potentiel.
Les frais d’études, de promotion et d’outillage (nouveaux moules) pour lancer une série bouffèrent les bénéfices.
Performace sailcraft a connu la même situation vingt ans plus tard avec le Tazar, le Laser 2 (qui s’est bien vendu quand même) , le Laser 13, le laser 16, le Stratos, le Vortex (un flop) le laser EPS dû à Loday (un superflop très coûteux en études) le Laser 3000 , Laser 4000 , Laser 5000 (tous des semi flops), le pataud Laser 2000 pour les écoles, qui a du faire ses frais , et un peu mieux, avant de passer aux gammes polyéthylène comme le Pico et le Funboat (assez profitables) et Vago (qui le deviendra peut être un jour)….tous bateaux qui tentaient de tuer dans l’œuf la production rivale de chez Topper , RS, Ovington..et j’en oublie.
Comme pour Performace sailcraft, qui a fit passer le coût de ses flops sur le prix des séries à succès, au premier rang desquelles le Laser, Lanaverre eut tendance à traire un peu trop sa vache à lait, le 420, en augmentant les prix…mais pire encore en baissant la qualité :
Certaines pièces en bois furent remplacées par des pièces en plastique ( Hiloire avant , nervure de quille, bancs transversaux) , au nom de la simplification de l’entretien, mais hélas c’était du mauvais plastique, du mat de verre coupé projeté, qui est connu pour être moins cher, mais beaucoup moins riche en fibre de verre que le tissu soigneusement ébullé main….et donc moins élastique, moins nerveux.
La coque devint plus cassante au moment même où les régatiers se mettaient à tirer très dur sur les drisses de foc…un problème aggravé par une cadence de production accélérée qui interdisait de laisser durcir les bateaux dans le moule suffisamment longtemps (il faut une vingtaine de jours pour une polymérisation absolument complète).
Cela donna des bateaux qui se pliaient et des jonctions coque caissons qui cassaient quelque part entre le pied de mât et l’arrière du puits de dérive.
Les beaux assemblages des listons (vis bronze élégamment recouvertes de tampons bois) laissèrent la place à un clouage cuivre sommaire et le contreplaqué acajou marine des safrans et dérives céda la place à du contreplaqué de pin.
Certains régatiers « usine » plus égaux que les autres avaient le privilège de bateaux construits en hiver, avec des tissus sélectionnés et séchés dans le moule suffisamment longtemps….mais cela se sut très vite dans la série et fit du tort au chantier, qui se voyait aussi attaqué sur le marché des écoles de voile.
Tout d’abord , le Ministère de la Jeunesse et des Sports, qui à cette époque s’occupait d’ idées créatives (malgré un budget ridicule) et n’en était pas venu à l’actuel empilement de règlements tracassiers (un vrai enfer pavé de bonnes intentions pour les responsables d’école de voile) voulut lancer un concours de plans (avec un prix plafond cible ) pour un dériveur de perfectionnement avec spi destiné aux écoles homologuées par le Ministère Jeunesse et Sports…
Disons tout de suite que l’initiative ministérielle n’attint pas ses buts (ni même le prix cible) mais elle permit à quelques dériveurs intéressants de voir le jour, en particulier le 445 de Gouteron, avec son grand spi de 13 M2 sa coque très planante et son double fond autovideur intégral.
Excellent dessin , le 445 avait quelques bombes à retardement : des renforts en contreplaqué entre coque et double fond, qui trente ans après donnent des bateaux imbibés et ramollis quand le bois pourrit, un accastillage bas d gamme de chez Ermat et un mât non rétreint réalisé dans un aluminium sensible à la corrosion..mais ces défauts prenaient quelques temps pour se manifester et à l’époque les écoles de voiles furent nombreuses à s’équiper de ce bateau à la fois facile et performant.
De ce concours sortirent également deux autres engins moins diffusés, le Surf de La Prairie (d’abord à simple puis à double fond assez réussi, mais dont il ne fallait pas trop souquer la drisse de foc pour cause de construction en fibre projetée) , le très instable Duo de Dupuy Chautard (sorte de gros Moth Europe grée en sloop avec un foc , un grand spi et un double fond partiel, qui préfigurait un peu les skiffs actuels genre Buzz ou Laser 4000) et le 430 de chez Morin , bourré d’astuces, bien construit, mais qui, arrivé tard, resta confidentiel….Lanaverre , exclu de ce concours car son 420 existait déjà, présenta le…Socoa qui n’était qu’un 420 modifié et renforcé pour l’ usage école….et qui fut d’ailleurs remarketé ensuite comme 420 E ..E comme Ecole bien entendu.
Après cet épisode de concurrence dériveuro - dériveuresque autant que franco – française, Lanaverre dut essuyer la concurrence des planches à voile et des catamarans de sport à partir de la fin des années 70…et ce n’était pas une mince concurrence , nous le verrons plus loin.
Les choses auraient pu tourner autrement pour le Chantier Lanaverre, qui avait été, dit – on, approché pour construire le Laser sous licence en France pour toute la zône Europe continentale, car son outil industriel était de qualité et largement dimensionné pour la grande série mais le chantier refusa (je suppose que les conditions financières ne lui convenaient pas).
Lanaverre (qui a cette époque était en voie de rachat par les chantiers navals Dubigeon de Nantes, en compagnie d’Arcoa à Arcachon et de Jouët à Sartrouville pour former un conglomérat restructuré nommé Yachting France, qui avala aussi le concurrent Morin) ne concrétisa pas le deal et se lança dans la production d’une imitation du Laser, soutenue à bout de bras par la FFV, le calamiteux X4, tandis que Performance Sailcraft montait une usine pour produire le Laser en Irlande avec des coûts de Main d’œuvre écrasés…..
Après un ou deux ans de divertissante bagarre commerciale ( l’importateur laser de l’époque se payait dans la presse nautique des placards clamant que le Laser était 4X meilleur que ses diverses imitations) , le X4 fit un calamiteux flop (ce qui n’était pas grave en soi, et même mérité, vu les défauts du bestiau) mais il entraîna dans la tombe l’opération Voile pour Tous de la FFV , qui était une idée généreuse et pas si sotte pour organiser des régates avec du matériel collectif , en limitant les coûteux déplacements.
Lanaverre passa à la trappe avec la déconfiture des chantiers Dubigeon et de sa filiale Yachting France …et les français commencèrent à se tourner vers l’habitable et à déserter le dériveur, qui devenait cher et sophistiqué.
Privé de son constructeur d’origine, le 420 continua, mais de plus en plus comme un bateau de pure régate, du genre rare et cher.
De nos jours il est encore produit par la branche américaine de Performance Sailcraft (ex chantier Harken Vanguard), pour le marché des flottilles lycéennes et universitaires et par quelques bijoutiers haut de gamme comme Zigelmeier et son sous traitant polonais Blue Blue, Rondar ou Lenam, sans oublier une version école produite au compte gouttes par l’ex chantier Boutemy à La Rochelle, rebaptisé 2 Win…
Dessin génial et visionnaire, c’est un bateau qui a la peau dure , l’ISAF l’a remis en selle pour les championnats Junior en constatant que le très technique 29er peinait à s’imposer de manière aussi universelle que lui, mais il a incontestablement raté la marche à un moment crucial, au milieu des années 70, et l’histoire aurait pu s’écrire autrement si son constructeur historique avait su prendre la bonne décision d’investir dans son produit vedette au lieu de faire dans la diversification tous azimuts….Il aurait fallu avoir le courage de resserrer la monotypie et d’améliorer le contrôle qualité au lieu de viser le bénef à court terme…..dommage !
Ca cause du 420, de sa grandeur et de sa relative décadence actuelle
420 : Un basque qui plastique la marine en bois
Retour de ce côté ci du Channel, en profitant d’une place d’équipier sur un petit dériveur britiche
(dans les années 50 et 60 les anglais organisaient une régate Douvres calais Douvres en dériveur, u n truc qu’on n’oserait plus faire de nos jours et que les gradés des Aff mar refuseraient mordicus d’avaliser.)
Pendant que les glénemuches connaissaient leurs années fastes , Socoa prospérait après avoir mangé un peu de pain noir au moment de la Libération (récupération d'une partie de sa flottille au profit d'autres clubs, une épuration guère méchante pour des péchés plutôt véniels...mais dans le contexte de la Libération, certains comptes plus personnels se réglaient parfois sous les étendards claquant au vent de l'Histoire).
Géré en compte à demi par la Marine Nationale et le ministère des Sports, avant de passer sous la bannière de l' UCPA, ce qui finira par être sa perte (voir le titre de l'article de Voiles et Voiliers
« UCPA , Socoa n'est plus son fort ») l'ex école Rocq Borotra, un brin vexée d'avoir perdu la prééminence et bluffée par le succès du Vaurien, gambergeait.
Socoa, donc, en cette année de grâce 1958 gambergeait mais pas de façon nostalgique, en tournant ses yeux vers le passé et en remâchant sa très relative défaite.
Les deux têtes pensantes du Socoa de l'après guerre, les deux chefs moniteurs (on ne disait pas encore Chef de Base, et puis Chef de Base c'est -encore- une invention des Glénemuches qui créèrent une école spéciale, l'ECB, aujourd'hui INBG, pour former des professionnels de la voile quand l'affaire prit de l'ampleur et que les bénévoles n'y suffirent plus), la direction bicéphale de Socoa, donc, composée d'une tête de Basque (Pierre Latxague) et d'une tête de Breton (Aristide Lehoerff) se mit à gamberger sur le futur de l'enseignement de la voile, tâchant de définir le bateau idéal....à la lumière des nouvelles possibilités offertes par les matières plastiques.
Il leur vint l'idée de simplifier un bateau de haut niveau qui commençait à être produit en plastique par un atelier de tonnellerie bordelais en pleine reconversion, un caneton hors norme qui commençait à faire beaucoup causer dans le Landerneau de la voile hexagonale depuis trois ou quatre ans.
Nous avons parlé de place en place du Caneton, pas vraiment un popuboat, sauf dans la période de l'occupation, où il fut construit en amateur dans les chantiers navals de jeunesse Rocq Borotra...
Le Caneton, animal à voiles né à Duclair, sur la basse Seine et qui fit la joie des voileux de la classe moyenne de l'immédiat avant – guerre, et en particulier de la famille Harlé, canetonistes de la première heure dont c'était le pays d'origine, a connu pas mal de réincarnations, à croire que ce volatile palmipède et vélique avait un brin de bouddhisme en lui.
(Philippe Harlé sera un des premiers monos des Glénans d'après guerre, avant de se fâcher avec l'institution faute de reconnaissance et de droits d'auteur pour son énorme boulot de rédaction du Cours des Glénans première mouture....et s'en ira à La Rochelle fabriquer des bateaux nettement meilleurs que ceux d'Herbulot, une vraie perte pour les Glen' qui s'encroutèrent un peu dans le train train après la perte de cet excellent élément)
Après l'épisode du monotype Brix, avant guerre, et celle du Caneton restrictions, et avant la décadence du caneton Cornu Matonnat, puis du chant du...cygne que fut le Caneton Strale, il y a eu un trait de génie: le Caneton 505.
Conscients qu' ils allaient droit dans le mur avec la sophistication croissante des canetons restrictions à bouchains, l'assoce de propriétaires choisit de revenir au monotype en prenant un plan radicalement moderne.
L'IYRU avait lancé dès 1956 un concours de plans international pour définir le dériveur en double des JO de 1960 (à Rome): Il fallait en finir avec l'ancien dériveur en double , le Sharpie 12M2 totalement obsolète qui se remplissait d'eau comme un seau et avait transformé les régates olympiques de Melbourne en match par élimination.
Les essais eurent lieu en Hollande à Loosdrecht, puis en France , à La Baule:
Les anglais y amenèrent un dériveur en contreplaqué imposant mais très rapide à trois bouchains vifs et trapèze, l'Osprey du au crayon de Ian Proctor (le trapèze , réinventé par Peter Scott avant guerre avait été interdit par la traditionaliste fédé anglaise, trop acrobatique, trop athlétique, pas assez gentleman à casquette blanche), et un autre dériveur , en formes arrondies et en bois moulé, le Coronet, né du crayon de John Westell et ainsi nommé en l'honneur du couronnement de la reine Babeth II.
Les Français avaient amené différentes moutures du Caneton restriction, qui ne brillèrent guère (trop court, trop lourd, en un mot irrémédiablement dépassé.)
Les Bataves Gus Van Essen et Conrad Gulcher avaient amené un monstre sans nom, long de 6 M 05, équipé d'un énorme génois et d'un trapèze.
Le monstre sans nom écrasa la concurrence et fut choisi comme dériveur double olympique sur lequel s' illustrèrent pas mal de gens connus dont les Pajot et , sur la fin, les ex - Laséristes Thierry et Vincent Berger
Peter Scott, neveu de l'explorateur polaire Robert Scott, devenu dirigeant de l'IYRU , barreur du piteux défi anglais Sceptre pour l'America Cup , qui ne marchait correctement qu'avec les gigantesques spis français à chevrons coupés par Herbulot dans la salle des fêtes du XV° arrondissement de Paris, Scott donc, ex as du 14' international, proposa de baptiser Flying Dutchman le nouveau monstre olympique, un nom qui contenait plein de références :
Premièrement Flying Dutrchman -Hollandais Volant- c'est l'enfer flottant des mauvais marins , un légendaire vaisseau fantôme qui a inspiré un opéra à Wagner et quelques films aux scénaristes d' Hollywood, de Pandora (avec la sublime Ava Gardner) à Pirates des Caraïbes.
Deuxièmement c'était un hommage à Uffa Fox , génial créateur des premiers voiliers réellement capables de planer -dénommés Flying truc ou Flying machin, vieux complice de Peter Scott et accessoirement moniteur de voile de luxe qui initia Monsieur Babeth II (le Duc d' Edimbourg) aux joies de la voile.
Troisièmement c'était un hommage aux créateurs hollandais du monstre planant, un bestiau survoilé et pas facile à dompter par grand vent.
Mais le FD n'avait pas eu la tâche si facile: l'Osprey, une sorte de méga Ponant, l'avait parfois inquiété, et surtout, s' il avait dominé sur les bords de près , il s'était fait rattraper à tous les coups sur les largues par le Coronet, que le canetonistes dépités commençaient à regarder avec les yeux de Chimène.
Le Coronet c'était deux bateaux en un : à la flottaison un skiff assez étroit aux formes avant bien en vé et à l'arrière plat, prometteur de planning, mais au niveau des listons ,il prenait un tour de buste voluptueux, épanoui, voire fellinien, des formes qu'on dit tulipées et qui permettaient, comme les ailes de rappel des 18 pieds de Sydney, de rejeter encore plus à l ' extérieur les pieds du trapéziste.
Cette astuce permettait d'augmenter le couple de rappel et de tenir un spi de plus de vingt mètres carrés, une folie qui faisait du Coronet un véritable avion de chasse sur les bords de largue
Admirablement construit en bois moulé (trois plis croisés du plus bel acajou possible, l'Agba, assemblés à la colle aviation et durci à 'autoclave) le Coronet , comme pas mal de bateaux anglais d'après guerre utilisait une technique venue de l'aéronautique, qui avait permis de réaliser le très rapide chasseur bombardier à hélices « Mosquito » et aussi le fuselage des très loupés « Vampire » et « Sea Venom », saucisses cocktail volantes à réaction et à double queue, un temps produits sous licence en France pour le porte avions Arromanches ex HMS Colossus .
Les canetonistes dépités allèrent trouver John Westell, qui ne l'était pas moins, et lui proposèrent de raccourcir son avion nautique aux dimensions maxi de la jauge Caneton, à savoir cinq mètres, plus cinq centimètres de tolérance....c'était la naissance du caneton 505 , qui arbora dans un premiers temps trois emblèmes dans sa voile, la couronne , le petit canard de Duclair et le chiffre 505 .
En France, en 1952 , le tout premier cinquo fut construit, en bois moulé, dans l'appartement parisien du photographe parisien Daniel Mazo, Boulevard Saint Martin, le techno de service étant le futur architecte naval Michel Bigoin, alors employé chez Dornier (aviation) , qui dut jouer de la pioche pour agrandir la porte et sortir la coque terminée.
En Angleterre la construction de série se fit en bois moulé chez Fairey Marine , filiale de la société aéronautique Fairey, qui s'était reconvertie en partie dans les voiliers.
Le Pdg de Fairey Marine , Mr Chichester Smith se réserva le premier exemplaire nommé conte de fées (Fairy tale en anglais, admirez le puissant jeu de mots) et le toujours jeune Jacques Lebrun acheta un des touts premiers exemplaires et remporta les premières éditions du Championnat de France Senior disputé sur ce tout nouveau « support »
Mais il ne fallut attendre que quelques années pour qu’un un hurluberlu féru de voile et de modernisme, Christian Maury , doué de talents multiples, fasse des approches à un industriel bordelais, Lucien Lanaverre, qui cherchait à assurer l'avenir de l'entreprise familiale de tonnellerie traditionnelle, qu'il jugeait condamnée à terme par le progrès de la technique.
(c'était avant l'envolée démentielle des cours des vins de Bordeaux et le scandale des frères Cruse)
Maury proposa à Lucien Lanaverre d'expérimenter un matériau révolutionnaire, utilisé durant la guerre pour certaines applications militaires ,la matière plastique composée d'une armature de tissus de verre et d'un nappage de résine polyester thermo durcissable....un truc puant , une horreur à mettre en oeuvre (surtout avec les résines de l'époque) mais un fini incomparable une solidité à toute épreuve, une imputrescibilité quasi totale...et une construction pas trop coûteuse avec de la main d'oeuvre non spécialisée et des matériaux pas trop chers non plus.
Le matériau semblait promettre monts et merveilles pour le voileux: en particulier la corvée d'entretien semblait devoir être réduite au minimum (pas de décapages , pas de peinture...et pas de pourriture à craindre, donc un bateau quasiment éternel, ce qui excuserait éventuellement un certain surcoût)....
Même si ce n'est pas tout à fait vrai (en grande partie à cause des pièces structurelles en bois qui existèrent longtemps dans le premiers bateaux « en plastique ») le matériau tenait ses promesses:
La tribu Rocca (Domenico , immigré venu d' Italie entre deux guerres, pour bosser aux usines Chauvière, spécialiste des hélices d'avion en bois, avant de se lancer dans le canoé canadien et ses fils Louis, technicien calme, également spécialiste des remorques, et Oreste , téméraire pilote motonautique à la fine moustache et à l’œil pétillant de Latin Lover ) fut la première à dégainer, d'abord avec une prame de servitude rondouillarde et absolument indestructible à l'usage des pêcheurs à la ligne puis avec divers canots à moteur dits à l'époque canots automobiles.
Lanaverre , déjà cité, suivit dans la foulée puis toute une horde d'imitateurs dans une industrie nautique en rapide reconversion.
Il se lança dans le bateau à voile, d'abord avec le tout nouveau caneton 505 puis le Finn olympique, à la fois parce que ces deux bateaux promettaient de dégager de belles marges (pas comme le Vaurien) et aussi parce que leurs formes se prêtaient à la construction polyester (même si initialement ils avaient été prévus pour d’autres procédés de construction.
Le Finn des débuts était construit comme les canoës canadiens : bordés classiques en acajou, assez épais sur membrures en pin ou en frêne ployé à la vapeur, le tout mis en forme sur un mannequin et riveté avec des rivets cuivre (j’ai vu passer le N° 8 au Club des Mazières, dans les années 70 il avait fait les jeux d’ Helsinki et un courageux l’avait décapé pour le restaurer, il restait encore dessus quelques énormes taquets coinceurs en bronze , les Curry Klemme originaux…..Dieu sait ce qu’il est devenu..)
Le Coronet et le cinquo étaient eux dessinés pour le bois moulé (trois plis successifs d’acajou tranché Agba) agrafés sur mannequin mâle, et collés puis autoclavés (si on avait une autoclave assez grande, ce qui était le cas de Fairey Marine, mais pas des artisans français comme Barat ou Silvestro).
Ces formes courbes (souvent avec deux sens de courbure, comme une portion de sphère) étaient une bénédiction pour le plastique monolithique, qui , surtout en petites épaisseurs, se gondole volontiers.
Le contreplaqué, lui, aime les formes plates , ou alors galbées suivant un seul sens (comme une portion de cylindre) et même si certains chantiers comme Gouteron arrivaient à tortiller sauvagement le CP (pour les Simoun et les Simoun junior en bois qui ont précédé les 445 et les 485 en plastique à double fond ) le résultat était souvent très cylindrique, donc assez instable.
Le plastique monolithique de l’époque prenait le contrepied exact du contreplaqué marine : parfait pour mouler des formes tarabiscotées avec double galbe, (comme une portion de sphère) et donnant ainsi une liberté encore inconnue aux designers, il était nul pour les formes plates, comme les ponts des habitables : le Golif de Jouët à Sartrouville un petit croiseur de 6M50, lointain ancêtre des mini transat, s’en tirait moyennant des épaisseurs de plastique invraisemblable sur les ponts
(pas bon pour l’équilibre) et des formes de rouf bizarroïdes mais rigidifiantes, comme les nervures de capot sur une 2 CV Citroën
Par mesure de précaution ,vu qu'on était en terrain quasi inconnu, de gros morceaux du bateau étaient encore réalisés en contreplaqué ou en bois massif et ce sont ces bouts de bois qui posent problème lorsqu'on cherche à rénover ces bateaux quarante ou cinquante ans après...une activité de bricolage qui prend de l'ampleur ces temps ci ...vu le prix dément des dériveurs neufs .
Latxague et Lehoerff, dont l'école de Socoa n'était pas si loin de Bordeaux eurent vent du cinquo miracle en plastique et élucubrèrent un cahier des charges très détaillé de ce qu'ils considéraient comme le dériveur école idéal:
L'idée de la double position du mât , vue sur le Mousse était en bonne place ( elle permettait de fonctionner avec un nombre impair de stagiaires en gardant une flotte homogène) les caissons latéraux généreux supprimant la corvée d' écopage, le tulipage de la coque améliorant le rappel (le trapèze n'était pas envisagé)...Ils s'en allèrent trouver Lanaverre et Maury, qui se fit architecte naval pour tenter de faire tenir le cinquocinq dans seulement quatre mètres et vingt centimètres.
Pour éviter les enfournements et garder du volume sur cette coque raccourcie au maxi, Maury créa une étrave droite et renflée (qui n' aimait pas les collisions et se défonçait parfois au choc) et fit des merveilles de moulage polyester, notamment au niveau du puits de dérive qui incorporait un astucieux logement à sa base pour éviter de ruiner les lèvres de puits de dérive en trainant le bateau sur le sable.
Il y avait très peu de bois sur ce nouveau bateau: le barrot du tableau arrière, les listons et les contre listons à l' intérieur des caissons, la quille intérieure en avant et en arrière du mât et une petite varangue transversale pour soutenir les efforts de compression entre les deux emplantures de mât, ainsi que deux bancs transversaux au niveau du puits de dérive et en avant du pied de mât.
Le mât lui même était aussi en bois , du beau pin des Landes couleur miel, carré comme un poteau depuis l'emplanture jusqu'au vit-de mulet , et rond ensuite, avec un diamètre décroissant de la base au sommet.
Nettement plus sophistiqué que celui du Vaurien , puisque creux et incorporant dès le départ des réas pour le hâle bas et les drisses , il bénéficiait d'un vit de mulet monté sur rail et de drisses intérieures....l'influence de la compétition et du cinquo était indéniable.
C'est que une fois les premiers protos sortis des moules, Latxague, Lehoerff et Maury se rendirent compte que le bateau était prometteur mais pas exempt de défauts.
Ils eurent la sagesse de prendre le temps de la mise au point (pas comme l’Open Bic qui a été lancé tel que , avec tous ses défauts, et aucun retour des critiques reçues sur les stands du salon), et après avoir essuyé un échec en tentant de calmer le trop fougueux bateau avec une bonne plaque de plomb dans la dérive (un lointain souvenir de l'argonaute, dont il restait quelques exemplaires à Socoa), ils eurent la sagesse de confier la fiabilisation finale à un metteur au point très régatier et très pinailleur, le canetoniste Francis Mouvet.
Francis Mouvet fit de l’excellent boulot, je suppose que les astuces du mât, et les excellents taquets à tourner avec un côté en sifflet en bois au tout début, puis en plastique blanc (on les utilise encore quarante ans après sur les mâts de Hobie cats), le circuit de bout’s de dérive simple et efficace (avec blocage dans une encoche en vé dans le banc en bois pour économiser les taquets clams, d’ailleurs pas encore inventés) sont de son invention.
Il s’intéressa aussi au plan de voilure, mais à ce niveau il eut la main un peu lourde sur la diminution de la surface vélique…à sa décharge , il faut dire qu’il était gaulé comme un casse croûte SNCF et que sa fidèle équipière et épouse était au format Polly Pocket..résultat , le 420 est sous toilé dans le petit temps et ne se met à marcher (magnifiquement d’ailleurs) qu’une fois qu’Eole a escaladé pour de bon le quatrième barreau de l’échelle de l’amiral William Francis Beaufort.
Incidemment ce fut lui qui dessina le logo et cristallisa l’habitude hexagonale de dénommer les dériveurs par leur longueur en centimètres..et qui prit en main la promotion de la classe 420, l’UNIQUA, en jouant les prosélytes ambulants pour faire essayer le bateau dans tous les clubs intéressés…et l’essayer c’était l’adopter, la production démarra en flèche on était à moins de 100 en 1960, un an après le lancement de la version définitive …et à plus de 7000 dès l’année 1966, malgré la suppression de la détaxe mer (que Lanaverre contourna d’ailleurs atucieusement pour deux ans de plus en stockant des tonnes de fibre de verre et de résine et en déclarant qu’il s’agissait de bateaux déjà en chantier).
La fédé se montra intelligente, pour une fois et lui attribua le championnat de France junior (Chose qu’elle avait refusée au Vaurien, venu d’un monde nettement trop prolo et trop dissident – Pouah ! fi donc ! les Glénans, ce kolkhoze de la voile !- pour Monsieur Néret – Minet, le très collet-monté Président de la FFYV de ce début des années 60, celui là même qui vira le célèbre Yves Louis Pinaud de son poste d’entraîneur national pour un motif à pleurer de rire .)…
Disputés à Carnac, puis à Cannes, ces championnats consacrèrent quelques noms connus, plutôt style jeunesse dorée, mais qui devaient faire un beau parcours dans la voile : Haegli, Manière et le futur chroniqueur sportif Gilles Pernet.
A cette époque la voile légère avait d’ailleurs ses grandes et ses petites entrées dans les médias , grâce au journaliste de l’Equipe Patrick Chapuis, qui avait de qui tenir, puisque petit fils de Georges Paul Thierry, le pape de la voile sur le bassin de Meulan depuis l’entre deux guerres et rédacteur d’une série de brochures pratiques au ton très chef scout intitulées : Garçon , construis toi-même ton caneton, ou ton Sharpie9M2 , ou ton Mousse…etc .
A l’heure actuelle notre sport n’est plus guère médiatisé, la presse va là où les sponsors payent les meilleurs cocktails et les plus girondes attachées de presse…c’est à dire que quand on parle de voile aux infos c’est souvent pour citer un trimaran bariolé comme un paquet de clopes qui vient de se désintégrer dans une quelconque transat…et le cher téléspectateur de rester téléspectateur au lieu de venir faire des ronds dans l’ eau .
Au cas où on douterait de la perte de statut médiatique de la voile légère, il suffit d’aller regarder sur You Tube le Générique du film de Louis de Funès , Le Petit Baigneur…où une régate de dériveur à les honneurs des actus cinématographiques (aujourd’hui disparues avec les esquimaux et les chocolats de l’entracte)
Pendant ses dix premières années , de 959 à 1969 , le 420 fut un monotype quasiment aussi rigoureux que le Laser : Lanaverre était constructeur exclusif, l’accastillage était identique (et sévèremnt encadré), toutes les voiles venaient de chez Elvström (comme celles des 10 000 premiers Lasers d’ailleurs) et étaient parfaitement identiques….
Même le passage au mât métallique ne changea pas grand-chose, car le profil universellement adopté était l’increvable Proctor « D » suffisamment raide pour convenir à un cinquo et donc aussi rigide que le solide mât initial en bois d’arbre des forêts landaises.
Les choses commencèrent à déraper ensuite avec la course à l’armement et l’internationalisation de la série…et le 420 se trouva assez vite victime de son succès.
C’est que cette fois çà y était, pour la première fois un bateau Made in France , avec béret Basque calendos, baguette de pain, et Kil de rouge, s’exportait dans le monde entier , avec la massification des loisirs devenue réalité et en plein dans les trente glorieuses, la période d’expansion du pouvoir d’achat et de la société de Consommation , finement analysée par divers intellectuels comme Roland Barthes ou Georges Perec.
Seulement voilà, exporter voulait souvent dire délivrer des licences de construction, pour pas mal de raisons (entre autres douanières):
Il fallut donc désigner des chantiers étrangers (souvent selon le principe du un par nation) : Poliglas en Espagne (qui fit des 420 très semblables aux Lanaverre, mais en plus costaud encore, voir lourdingue), puis Roga et enfin Lenam , Snapir Superboats en…Israël qui fit des bateaux soignés et parfaitement séchés dans le moule…que certains régatiers futés réimportèrent en France, Honor Marine en Grande Bretagne fit des 420 assez bâclés, avant de passer le flambeau et la licence à Rondar , qui , habitué aux exigences des cinquocistes, fit des bateaux très rigides et assez chers, Nautivela en Italie fit des 420 de belle apparence mais de rigidité inégale
(Une partie du poids était rognée dans les caissons pour être remise dans la coque qu’il fallait rigidifier, car, avec la pression constante de la régate, les 420 istes souquaient de plus en plus sauvagement les câbles de drisse de foc et déformaient le bateau…résultat , l’arrière des caissons , où les régatiers ne s’assoient quasiment jamais – mais les débutants si… !- était mince et fragile et craquait dès que le bateau passait en usage école.)
Et puis ce fut la consécration : Le 420 traversa la mare aux harengs, d’abord en exportation du Made in France , (et à bord du Paquebot France, s’il vous plait, en compagnie de Mr Lucien Lanaverre, qui , bien que fort peu voileux contrairement à son fils, se sentait une âme de conquérant) et ensuite sous licence .
Il fut construit (de façon fort soigneuse) par le chantier Vanguard Boats, une dépendance de la société créée par Olaf et Peter Harken, les accastilleurs bien connus qui ne lésinent pas sur la qualité.
Le 420 connut un énorme succès aux USA , notamment pour ce que les Ricains appellent Intercollegiate sailing, c’est à dire les matches inter facs , inter lycées, qui font partie du décor et du folklore estudiantin , avec team de cheerleaders (supportrices agitant le fanion de la fac) et ce dans tous les sports pratiqués en milieu universitaire.
Pragmatiques, les ricains créerent d’ailleurs trois versions du 420 , une pour la régate pure et dure, une simplifiée pour les régates inter - lycées et une version club, très renforcée et simplifiée, sans trapèze , ni spi, ni mât rétreint.
Aux USA le 420 fait bien partie du paysage….à tel point que j’ai reçu il a quelques années dans mon centre de voile une très dynamique monitrice US, venue encadrer bénévolement pendant ses vacances universtaires, et qui est tombée des nues quand je lui ai dit que le 420 était une invention française..pour elle, ce bateau faisait tellement partie du paysage US qu’il ne pouvait être autre chose qu’américain.
Chez les anglais ,il eut aussi son petit succès, surtout en raison de la décision de l’IYRU d’en faire un bateau support pour les Championnat du Monde Juniors …
Les anglais ont pourtant plein de séries excellentes dans la taille 14 pieds (Entreprise, Merlin Rocket, GP 14, Wanderer, International 14..et au moins trois douzaines d’autres ) mais ce sont souvent des bateaux d’un dessin plus ancien nés avec le contreplaqué et passés sans trop de problèmes au plastique grâce à leur coque à double bouchain, comme celle du Ponant de chez nous….excellents bateaux certes , souvent plus rapides que ce que leur apparence laisserait supposer mais très vieillots côté look (à part les dernières moutures du très sophistiqué International 14, qui est une série à restrictions).
En 1959, année de sa création, le 420 était un coup de maître qui avait facilement dix ans d’avance :
Quand , jeune lycéen en quête de perfectionnement dans la langue de Shakespeare, j’ai passé quelques bouts de vacances d’été chez les Rosbifs, au milieu des années 70, j’avais été frappé par le nombre de pratiquants et de clubs (y compris sur des plans d’eau ridiculement étroits, comme ce canal charbonnier au gabarit anglais où les régates se couraient par poules de quatre bateaux, faute de place pour se doubler....les membres de ce club se prétendaient les meilleurs spécialistes du virement bascule pour toutes les îles britanniques)…mais ce qui m’avait frappé aussi c’était le côté désuet de leurs bateaux que je trouvais plus démodés encore que le Vaurien (mais superbement entretenus, voilés et accastillés) .
Au milieu de tous ces engins au look vieillot , les 420 faisaient figure d’OVNI, un peu comme des Citroën Picasso au milieu d’un parking rempli de Traction Avant et de Peugeot 203…En 1972 le seul autre bateau moderne des parkings anglais était apparemment un petit solitaire tout plastique, genre bateau de plagiste, mais avec une carène magnifique, style FD, et des appendices parfaitement profilés en aile d’avion suivant le meilleurs critères NACA, totalement inconnu en France, et qui venait de débarquer en Angleterre depuis le Canada et dont tout le monde disait qu’il allait faire un tabac vu son imbattable rapport qualité – prix….celui là aussi avait dix ans d’avance et comme le 420 il allait être beaucoup imité, mais jamais égalé.
L’ennui c’est que le quat’vingt commençait à être victime de la course à l‘armement :
Spi et trapèze avaient été autorisés, bonne chose certes, mais cela donnait un avantage énorme aux équipages cadets et juniors et la série se juvénilisa à la vitesse grand Vé , avec le problème, déjà vu en Optimist, des parents gateaux essayant de faire gagner leur rejeton moyennant acquisition d’un super bateau avec des super voiles (Le Laser est la première série ou presque, avec le Hobie cat à avoir monotypisé la voile et interdit toute coûteuse recherche dans ce domaine).
Le 420, réservoir naturel de barreurs de 470 (qui n‘allait pas tarder à devenir olympique) et support des championnats du Monde Junior IYRU devint une série férocement concurrentielle : on chercha tous azimuts, on détourna les règles en mettant des palans partout, la barre d’écoute fut adoptée, avant d’être remplacée par le hâlebas à cascade de poulies puis l’étambrai à cales fit son apparition , puis les barres de flèche règlables et les appendices profilés, sans parlé des tissus spéciaux genre Yarn tempered pour la GV et Dynac pour le spi.
Les coques furent « améliorées » de partout (en récupérant de la matière dans l’arrière des caissons comme expliqué plus haut) et même si certaines améliorations étaient utiles (comme la jonction coque caisson en lèvre repliée, qui remplaça le liston en bois) les 420 compétition devinrent quasi impossibles à recycler en bateaux d’école de voile, un comble pour un popuboat dessiné précisément pour cet usage ;
Très vite la situation du chantier Lanaverre se dégrada : Au lieu de se concentrer sur son produit phare, l’industriel bordelais se lança dans la multiplication tous azimuts des modèles de dériveurs :
Le musard, le 390, le Kid, le 490, le Jet, le Moth Europe, l’optimist, le FD, le finn , le 505 et finalement le X4….et quelques autres nettement oubliés, tout cela avec la volonté de contrer la concurrence d’autres chantiers franco français au premier rang desquels Morin dont le grand succès était le 470 mais qui produisit aussi le 4M, le minisolitair, le 430, le Mousse, ainsi que le Corsaire bois.
Il y avait d’autres concurrents comme La Prairie qui produisait à tour de bras des jolis bateaux pas cher, mais pas très rigides (construction en fibre projetée) le zef, le Surf, l’Apache, le Caneton Strale sur plan italien, Dupuy Chautard avec le Fennec , le Fox et l’étrange Duo sur plan du créateur de l’Europe, Aloïs Rolland, sans oublier Gouteron, passé au plastique avec le 445, le 485, le Mowgli….et puis les mini tiki, tiki et supertiki, et puis le capricorne de Matra, et puis le Nordet de je ne sais qui et le Piaf de Spair marine…et le Flibustier de Bihoré Marine…..et d’autres totalement oubliés dont un exemplaire plus ou moins moisi refait parfois surface sur E bay, tel un voyageur spatio temporel tombé dans un trou noir
Toutes ces séries se cannibalisaient les unes les autres et désorientaient l’acheteur potentiel.
Les frais d’études, de promotion et d’outillage (nouveaux moules) pour lancer une série bouffèrent les bénéfices.
Performace sailcraft a connu la même situation vingt ans plus tard avec le Tazar, le Laser 2 (qui s’est bien vendu quand même) , le Laser 13, le laser 16, le Stratos, le Vortex (un flop) le laser EPS dû à Loday (un superflop très coûteux en études) le Laser 3000 , Laser 4000 , Laser 5000 (tous des semi flops), le pataud Laser 2000 pour les écoles, qui a du faire ses frais , et un peu mieux, avant de passer aux gammes polyéthylène comme le Pico et le Funboat (assez profitables) et Vago (qui le deviendra peut être un jour)….tous bateaux qui tentaient de tuer dans l’œuf la production rivale de chez Topper , RS, Ovington..et j’en oublie.
Comme pour Performace sailcraft, qui a fit passer le coût de ses flops sur le prix des séries à succès, au premier rang desquelles le Laser, Lanaverre eut tendance à traire un peu trop sa vache à lait, le 420, en augmentant les prix…mais pire encore en baissant la qualité :
Certaines pièces en bois furent remplacées par des pièces en plastique ( Hiloire avant , nervure de quille, bancs transversaux) , au nom de la simplification de l’entretien, mais hélas c’était du mauvais plastique, du mat de verre coupé projeté, qui est connu pour être moins cher, mais beaucoup moins riche en fibre de verre que le tissu soigneusement ébullé main….et donc moins élastique, moins nerveux.
La coque devint plus cassante au moment même où les régatiers se mettaient à tirer très dur sur les drisses de foc…un problème aggravé par une cadence de production accélérée qui interdisait de laisser durcir les bateaux dans le moule suffisamment longtemps (il faut une vingtaine de jours pour une polymérisation absolument complète).
Cela donna des bateaux qui se pliaient et des jonctions coque caissons qui cassaient quelque part entre le pied de mât et l’arrière du puits de dérive.
Les beaux assemblages des listons (vis bronze élégamment recouvertes de tampons bois) laissèrent la place à un clouage cuivre sommaire et le contreplaqué acajou marine des safrans et dérives céda la place à du contreplaqué de pin.
Certains régatiers « usine » plus égaux que les autres avaient le privilège de bateaux construits en hiver, avec des tissus sélectionnés et séchés dans le moule suffisamment longtemps….mais cela se sut très vite dans la série et fit du tort au chantier, qui se voyait aussi attaqué sur le marché des écoles de voile.
Tout d’abord , le Ministère de la Jeunesse et des Sports, qui à cette époque s’occupait d’ idées créatives (malgré un budget ridicule) et n’en était pas venu à l’actuel empilement de règlements tracassiers (un vrai enfer pavé de bonnes intentions pour les responsables d’école de voile) voulut lancer un concours de plans (avec un prix plafond cible ) pour un dériveur de perfectionnement avec spi destiné aux écoles homologuées par le Ministère Jeunesse et Sports…
Disons tout de suite que l’initiative ministérielle n’attint pas ses buts (ni même le prix cible) mais elle permit à quelques dériveurs intéressants de voir le jour, en particulier le 445 de Gouteron, avec son grand spi de 13 M2 sa coque très planante et son double fond autovideur intégral.
Excellent dessin , le 445 avait quelques bombes à retardement : des renforts en contreplaqué entre coque et double fond, qui trente ans après donnent des bateaux imbibés et ramollis quand le bois pourrit, un accastillage bas d gamme de chez Ermat et un mât non rétreint réalisé dans un aluminium sensible à la corrosion..mais ces défauts prenaient quelques temps pour se manifester et à l’époque les écoles de voiles furent nombreuses à s’équiper de ce bateau à la fois facile et performant.
De ce concours sortirent également deux autres engins moins diffusés, le Surf de La Prairie (d’abord à simple puis à double fond assez réussi, mais dont il ne fallait pas trop souquer la drisse de foc pour cause de construction en fibre projetée) , le très instable Duo de Dupuy Chautard (sorte de gros Moth Europe grée en sloop avec un foc , un grand spi et un double fond partiel, qui préfigurait un peu les skiffs actuels genre Buzz ou Laser 4000) et le 430 de chez Morin , bourré d’astuces, bien construit, mais qui, arrivé tard, resta confidentiel….Lanaverre , exclu de ce concours car son 420 existait déjà, présenta le…Socoa qui n’était qu’un 420 modifié et renforcé pour l’ usage école….et qui fut d’ailleurs remarketé ensuite comme 420 E ..E comme Ecole bien entendu.
Après cet épisode de concurrence dériveuro - dériveuresque autant que franco – française, Lanaverre dut essuyer la concurrence des planches à voile et des catamarans de sport à partir de la fin des années 70…et ce n’était pas une mince concurrence , nous le verrons plus loin.
Les choses auraient pu tourner autrement pour le Chantier Lanaverre, qui avait été, dit – on, approché pour construire le Laser sous licence en France pour toute la zône Europe continentale, car son outil industriel était de qualité et largement dimensionné pour la grande série mais le chantier refusa (je suppose que les conditions financières ne lui convenaient pas).
Lanaverre (qui a cette époque était en voie de rachat par les chantiers navals Dubigeon de Nantes, en compagnie d’Arcoa à Arcachon et de Jouët à Sartrouville pour former un conglomérat restructuré nommé Yachting France, qui avala aussi le concurrent Morin) ne concrétisa pas le deal et se lança dans la production d’une imitation du Laser, soutenue à bout de bras par la FFV, le calamiteux X4, tandis que Performance Sailcraft montait une usine pour produire le Laser en Irlande avec des coûts de Main d’œuvre écrasés…..
Après un ou deux ans de divertissante bagarre commerciale ( l’importateur laser de l’époque se payait dans la presse nautique des placards clamant que le Laser était 4X meilleur que ses diverses imitations) , le X4 fit un calamiteux flop (ce qui n’était pas grave en soi, et même mérité, vu les défauts du bestiau) mais il entraîna dans la tombe l’opération Voile pour Tous de la FFV , qui était une idée généreuse et pas si sotte pour organiser des régates avec du matériel collectif , en limitant les coûteux déplacements.
Lanaverre passa à la trappe avec la déconfiture des chantiers Dubigeon et de sa filiale Yachting France …et les français commencèrent à se tourner vers l’habitable et à déserter le dériveur, qui devenait cher et sophistiqué.
Privé de son constructeur d’origine, le 420 continua, mais de plus en plus comme un bateau de pure régate, du genre rare et cher.
De nos jours il est encore produit par la branche américaine de Performance Sailcraft (ex chantier Harken Vanguard), pour le marché des flottilles lycéennes et universitaires et par quelques bijoutiers haut de gamme comme Zigelmeier et son sous traitant polonais Blue Blue, Rondar ou Lenam, sans oublier une version école produite au compte gouttes par l’ex chantier Boutemy à La Rochelle, rebaptisé 2 Win…
Dessin génial et visionnaire, c’est un bateau qui a la peau dure , l’ISAF l’a remis en selle pour les championnats Junior en constatant que le très technique 29er peinait à s’imposer de manière aussi universelle que lui, mais il a incontestablement raté la marche à un moment crucial, au milieu des années 70, et l’histoire aurait pu s’écrire autrement si son constructeur historique avait su prendre la bonne décision d’investir dans son produit vedette au lieu de faire dans la diversification tous azimuts….Il aurait fallu avoir le courage de resserrer la monotypie et d’améliorer le contrôle qualité au lieu de viser le bénef à court terme…..dommage !